Collectivité européenne d'Alsace : Vers une "situation gravissime" du côté des finances ?

Alors que le gouvernement propose des mesures budgétaires qui mèneraient à la ponction de 52 millions d’euros sur le budget de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), Frédéric Bierry s’est montré très inquiet ce vendredi 18 octobre lors d’une conférence de presse. Il donne l’alerte sur l’effort financier qui est demandé aux collectivités locales et aux départements. Président de la collectivité mais aussi vice-président de l’association des départements de France, il pointe une « situation gravissime ». 

Si les 5 milliards d'euros d’efforts que l’Etat réclame aux collectivités sont votées dans le budget 2025, la situation deviendrait « ingérable ». Aux côtés de Lara Million, vice-présidente aux finances de la CeA et Myriam Stenger, directrice de cabinet, Frédéric Bierry fait le point sur la situation et ne cache pas son inquiétude. « L’Etat veut faire de nous des opérateurs de l’Etat », dit-il. Les départements représenteraient seulement 1,4% de la dette de l’Etat, la collectivité déplore les efforts qui lui sont demandés. « On nous demande de participer à l’effort financier comme si nous représentions 5% de la dette, pas 1,4%. », ajoute le président. 

"C'est un coup de massue de trop" 

Frédéric Bierry insiste, il s’agit de la décision de trop. « Les décisions de l’Etat ont des impacts sur nos dépenses depuis la création de la collectivité, en 2021 », précise ce dernier. La revalorisation du RSA aurait engendré 28,6 millions de dépenses supplémentaires pour la collectivité, la revalorisation du SMIC 400 000 euros, la loi Taquet 3 millions d’euros ou encore le dégel du point d’indice 10,4 millions. En 2024, ce sont 96,8 millions d’euros de dépenses imposées qui sont comptabilisées, sans aucune marge de manoeuvre. Depuis 2021, ce sont plus de 271 millions d’euros. « L’Etat ne mesure pas l’impact de ses décisions sur les départements, ils font payer leurs mesures de générosité », s’insurge Frédéric Bierry. 

Pour Frédéric Bierry, l'Alsace "paye plus lourdement les choses qu'ailleurs".

Lara Million, vice-présidente aux finances, le rappelle, la situation financière est grave. Les droits de mutation ont drastiquement baissés, entraînant 120 000 euros de recettes en moins, 60 millions d’euros ont été dépensés pour la protection de l’enfance et plusieurs milliers d’euros pour éviter la faillite des EHPAD. « Nous devions déjà trouver 40 millions d’économie si on voulait maintenir le niveau d’investissement, on nous en rajoute 52 millions. (…) C’est une vraie alerte, on aura plus de possibilité d’investir », déplore-t-elle.

Plusieurs collectivités impactées

La collectivité européenne d’Alsace ne sera pas la seule impactée par ce projet de loi de finances. Si la loi est adoptée, la participation se fera sur la base d’un prélèvement de 2% des recettes réelles de fonctionnement. Ainsi, la région Grand-Est serait impacté à hauteur de 50 millions d’euros, la CeA 37 millions, l’Eurométropole de Strasbourg 14 millions, Strasbourg 8,9 millions, Mulhouse 3,6 millions, Colmar 2,1 millions ou encore la Communauté d’agglomération de Haguenau pour 1,3 millions d’euros. Tous ces chiffres placent la région Grand-Est au rang de 7ème contributeur national et la CeA 11ème, sur près de 450 collectivités. « On a bien sûr l’espoir d’être exonérés. On ne peut pas l’accepter parce qu’on ne peut pas l’assumer. Bercy veut faire croire qu’on a des réserves, ce n’est pas le cas », explique le président.

Pour Frédéric Bierry, certains budgets de l'Etat serait à revoir à la baisse. Du côté de l'Alsace, regrouper la région et la collectivité permettrait également de faire de grandes économies, selon le président.

Un risque de "tête à queue social"

Frédéric Bierry le craint, le « dérapage budgétaire » pourrait mener à un « tête à queue social, avec des conséquences sociales dramatiques ». Il tire la sonnette d’alarme, si le budget est voté tel quel, il y aura de forts impacts sur la vie des Alsaciens, notamment sur les collèges, l’entretien des routes ou encore les services sociaux. Dans ce contexte, Lara Million a annoncé que le débat d’orientations budgétaires serait reporté au mois de février et l’examen du budget prévisionnel au mois de mars. Pour elle, la solution n’est pas à trouver chez les collectivités. « Chez nous c’est impossible. Les régions ont plus de facilité, certaines agglomérations plus de possibilités, nous on n’en a plus », explique-t-elle.

Frédéric Bierry apporte des précisions.

La collectivité ayant des compétences qui s’imposent à elle comme la question de l’enfance ou encore le RSA, la marge de manoeuvre touchera en premier lieu les compétences volontaires comme le sport ou la culture. Concrètement, la CeA demande la suppression du fond de compensation demandé aux collectivités ainsi que sa rétroactivité, elle s’oppose au gel de la TVA qui leur ferait perdre près de 10 millions d’euros et refuse toutes dépenses supplémentaires non financées. 

Propos recueillis par Anaïs Follenius (AZUR FM) / © Crédit photo : Anaïs Follenius