Colmar : Le musée Unterlinden se rend accessible aux mal-voyants

C’est en 2015 que le musée colmarien entreprend le programme Art et Santé. L’objectif de ce programme est de transformer le musée en un lieu, où tout Homme peut y trouver refuge, où l’accueil et l’écoute de la singularité, des émotions et de l’expression est une ambition quotidienne. C’est dans le cadre de ce programme que le musée Unterlinden de Colmar a mis en place et créé (en partenariat avec un sculpteur/menuisier) des maquettes tactiles du célèbre Retable d’Issenheim, du peintre Grünewald et du sculpteur Nicolas de Haguenau.

Un lieu pour tous, à l’échelle mondiale

Depuis les années 80, les musées français et internationaux (notamment en Amérique du Nord) déploient des actions de médiation pour les publics à « besoins spécifiques ». Ces publics éloignés des musées, pour des raisons médicales, sociales ou économiques, se retrouvent au cœur des publics à attirer dans les lieux d’art. Grâce à la pandémie de Covid 19, la vision du musée comme un lieu « Care » (de l’anglais « soin ») a pris tout son sens, en devenant co-acteur du bien-être de l’Homme.

A l’échelle locale, le Musée Unterlinden entretient depuis plus de sept ans un partenariat fort avec l’IME (Institut Médico-Educatif) du Pays de Colmar, en offrant à ces publics à besoins spécifiques de nouvelles formules de médiation artistiques, à l’image des ateliers chorégraphiques et des représentations proposées en collaboration avec la chorégraphe et danseuse Aurélie Gandit.

Plusieurs structures françaises, comme le Palais des Beaux-Arts de Lille avec son récent guide muséal pour l’accueil de personnes autistes, font office de figure de proue. A travers le monde, plusieurs structures sont également précurseurs dans ce domaine, comme Le Palais de Tokyo, qui a inauguré en septembre 2023 Le Hamo, un espace de médiation, d’inclusion et d’éducation.

Le Retable d’Issenheim, accessible aux non-voyants

Dans ce désir de rendre le musée accessible à tous, le musée colmarien a fait construire depuis 2012 des représentations tactiles, en bois, de leur œuvre phare, Le Retable d’Issenheim (1512-1516). Les peintures de Grünewald ainsi que les sculptures de Nicolas de Haguenau, de renommée internationale, se sont vues reproduire au fil des années d’une manière inédite. A l’initiative de l’ancienne directrice et conservatrice en chef du Musée Unterlinden, Pantxika De Paepe, et réalisées par le sculpture et menuisier Jean-Jacques Erny, ces maquettes tactiles sont principalement dédiées au public mal voire non-voyant. La directrice actuelle du musée colmarien, Camille Broucke, souligne cependant l’accessibilité pour tous à ces œuvres en bois.

Réalisées au quart de la dimension d’origine, Jean-Jacques Erny a dû faire l’impasse sur certains éléments du Retable d’Issenheim, qui se veut riche en détails. Pour l’accompagner dans cette démarche, le sculpteur était accompagné de Philippe Bury, membre de l’association « L’Art au-delà du Regard », dans le but de répondre au maximum à la demande du public mal ou non-voyant. Chaque partie de l’œuvre originale a alors été soigneusement et méticuleusement analysée, détaillée, décryptée à M. Bury, afin que ce dernier puisse avoir une idée de ce qu’il faudrait reproduire au toucher. Après plusieurs années de collaboration entre les deux hommes, les trois maquettes tactiles du Retable d’Issenheim ont été exposées sur la tribune de la chapelle à la réouverture du musée en 2015. Ce n’est que récemment que les réalisations en bois ont retrouvées leur place initiale, à savoir à proximité de l’œuvre afin d’en faciliter l’accès.

Quelques mots sur l’association « L’Art au-delà du Regard »

Fondée en décembre 1995, cette association a pour vocation de promouvoir l’accession des publics mal voire non-voyants aux émotions que procurent la découverte d’une œuvre d’art, mais aussi aux émotions de la nature et de la culture sous toutes leurs formes. Répondre à la soif de culture de ce public spécifique fait parti des fondements de l’association, dont Phillipe Bury est membre. Pour se faire, un climat d’échange entre les structures culturelles et l’association est instauré. Œuvrant dans un premier temps dans le Grand Est, « L’Art au-delà du Regard » entreprend la conception, la mise au point et la réalisation de projets concrets, en partenariat avec les structures culturelles, comme le Musée Unterlinden de Colmar.

Camille Broucke et Jean-Jacques Erny, ont répondu à nos questions,

 

 Propos recueillis par Thibaut KEMPF (AZUR FM) / © Crédits photo : Thibaut KEMPF