Comédie de Colmar : Martin Fourcade, comme un poisson dans l’eau


19 mars 2024

C’est avec beaucoup d’humilité que Martin Fourcade, légende du biathlon français à la retraite depuis 2020, s’est présenté face au public de la Comédie de Colmar. Dans son spectacle Hors-Piste, mis en scène par Matthieu Cruciani, l’ancien sportif revient avec sensibilité, nostalgie, parfois peine, sur les moments marquants de ses 15 ans de carrières en tant que sportif de haut niveau. Dans une performance artistique dans laquelle le pyrénéen trouve ses marques, le spectateur est embarqué dans un voyage à travers le temps, traversé par beaucoup d’émotions, que l’ancien biathlète a su transmettre. Martin Fourcade offre la possibilité de vivre de l’intérieur, des moments phares d’une vie, que la plupart des spectateurs ont vécu depuis leur canapé.

Entre ses deux représentations colmariennes, qui avaient lieu jeudi et vendredi dernier, le sportif/artiste a accepté de nous accorder un entretien.

Martin Fourcade, en quelques chiffres c’est 15 ans de carrière, 5 titres olympiques, 7 gros globes de cristal donc 7 fois vainqueur du classement général de la coupe du monde, 26 petits globes, ce qui fait de vous le recordman en termes de globes avec un total de 33 globes de cristal, mais aussi 13 fois champion du monde. Un palmarès impressionnant, voire vertigineux pour le biathlète français que vous êtes, considéré comme l’un des deux meilleurs de toute l’histoire avec le norvégien Bjorndalen, avec qui vous avez partagez de beaux moments de carrière. Une carrière qui en a en fait vibrer plus d’un dans son canapé, dont moi, et qui continue aujourd’hui d’en faire rêver sur les planches, avec votre spectacle Hors-Piste. Avant de parler de ce spectacle, qu’est-ce qu’on ressent quand on entend tout ce palmarès dans lequel je n’ai compté que les titres ?

Alors moi j'ai assez de recul par rapport à ça parce que j'étais quelqu'un, on va dire, de très ambitieux et j'avais un rapport à la compétition qui était extrêmement prenant. Mais en fait assez étrangement, je ne me suis jamais trop projeté à la fois dans les comparaisons, à la fois dans les chiffres, dans leur grandeur. J'avais envie de gagner quand je prenais le départ d'une compétition, mais j'arrivais assez vite à m'affranchir des résultats justement pour me projeter pour la suite, sur la course d'après. Donc c'est bien sûr un regard bienveillant sur un palmarès et sur un parcours mais en tout cas il n'y a pas de flagornerie ou de... voilà c'est assez étrange, mais ce n’est pas vraiment une fierté dans le sens où c'est plus de la douceur.

Donc une certaine humilité par rapport à tout ça, un passage de votre vie ?

Un passage de ma vie qui a été très riche. Moi je retiens beaucoup les émotions, les rencontres, les moments un petit peu poignants et bien sûr j'ai la... on va dire, quand je prends du recul je me rends compte que par certains aspects c'était un parcours un petit peu exceptionnel sur certains points, mais voilà comme je le disais je le regarde avec beaucoup de douceur et d'humilité.

Vous parcourez depuis quelques temps les routes de France avec votre spectacle autobiographique qui parle de plein de choses, notamment la relation avec votre frère Simon, qui était votre idole et dont vous avez voulu suivre les traces. Comment vous avez géré cette pseudo rivalité intra-familiale ?

Alors c'est vraiment quelque chose dont j'avais à cœur de parler dans le spectacle, parce que c'est quelque chose qui a été marquant, mais quand on regarde le spectacle jusqu'au bout on se rend compte que c'est une singularité mais qu'en aucun cas ça a été en tout cas vécu comme quelque chose de douloureux. Au contraire moi j'ai toujours considéré que c'était une chance unique de pouvoir partager cette tranche de vie et cette carrière de sportif avec une des personnes dont on est le plus proche, son frère en l'occurrence. Donc voilà, beaucoup de tendresse vis-à-vis de lui. Et oui, on a eu des moments compliqués, comme il y en a dans beaucoup de fratries, mais on a réussi à en sortir grandi. Et je crois que ça fait partie de mon histoire, de ma construction. Donc j'avais à cœur d'en parler dans ce projet.

15 ans de carrière, 15 ans à sillonner les différentes pistes de biathlon, le long de la famille, vous en parlez aussi dans votre spectacle, de la manière dont vous avez dû gérer tout ça.

C'est un mode de vie un petit peu particulier, en étant absent 220 jours par an, forcément il faut s'adapter, il faut aussi avoir la chance comme je l'ai eu d'avoir un entourage qui comprend nos choix de vie, qui comprend notre investissement dans notre projet de carrière. Et puis après, je crois que ça fait aussi partie d'une... C'est une des raisons de ma fin de carrière précoce, parce que j'avais aussi envie de retrouver un peu plus de normalité, une vie de famille et ça faisait partie en tout cas des choses qui étaient importantes pour moi mais à refaire, je referais exactement la même chose.

Hors-Piste, c'est plus que vous sur scène qui racontez simplement une histoire, vous avez eu la volonté de créer et de construire un vrai spectacle, une véritable performance artistique, dans le but de vous reconnecter avec votre public, peut-être de manière plus intime.

 Oui, il y avait cette volonté de gratter un peu derrière le vernis, de donner ce qui n'avait pas pu être vu pendant la carrière et de regarder, je crois que c'était vraiment important pour moi, de regarder au-delà de l'image du champion victorieux qui lève les bras sur un podium. Je crois que c'est ce qu'on retient beaucoup et quand on me sollicite, et puis vous l'avez dit, le palmarès identifie forcément à ces images-là. Je voulais montrer qu'une carrière de sportif ce n’était pas que ça, qu'il y avait d'autres émotions, d'autres sensibilités, et qu'il y avait quelque chose de beaucoup plus pluriel qu'uniquement la victoire.

Et pour créer ce projet, Matthieu Cruciani, co-directeur de la Comédie de Colmar, Alsacien de cœur, comment cette rencontre s'est initiée pour arriver à cette finalité ?

Alors j'avais ce projet et une volonté farouche de le faire aboutir. J'ai eu la chance d'avoir la main tendue de la scène nationale de Grenoble, qui m'a produit et qui m'a accompagné dans la construction de ce projet et qui m'ont mis en relation avec Matthieu, de par sa sensibilité pour le sport et de par une appétence aussi pour me pousser plus loin que ce que je l'avais imaginé dans la genèse de ce projet. Donc ça a été une très belle rencontre et puis venir à Colmar du coup aujourd'hui faisait partie aussi de boucler cette boucle et de rendre un petit peu à Matthieu et à ses équipes tout ce qu'ils m'ont apporté sur la genèse de ce projet.

Durant vos 15 ans de sportif, vous étiez constamment préparé, entraîné, que ce soit physiquement ou mentalement. Comment vous avez appréhendé ce nouveau défi au niveau de la préparation ?

De manière assez similaire. Matthieu a pris le rôle d'entraîneur, avec tout ce que ça comporte, de rigueur parfois, dans l'exigence, dans le besoin de me pousser plus loin, de me pousser à répéter, de me pousser à vivre le plus possible ce spectacle et puis à la fois avec cette envie aussi de me donner confiance et de... voilà c'est ce que je raconte souvent que le rôle d'entraîneur c'est à la fois être le gentil et le méchant, parce qu'il faut de l’exigence pour qu'un projet soit réussi et puis il faut aussi accompagner la personne et lui donner confiance. Je crois que Matthieu a parfaitement relevé ce défi-là.

Il faut savoir jouer au bon et au mauvais flic, mettre en confiance, tout en disant que là ça ne va pas.

 C'est ça, j'avais le papa et la maman comme référence, mais je me disais que ça ne faisait pas très 2024 comme retour, donc le bon et le mauvais flic c'est mieux.

Vous en avez parlé avant des sensations ressenties pendant les courses. Est-ce que les sensations avant de monter sur scène sont similaires, elles sont différentes ? Qu'est-ce que vous ressentez quand vous êtes derrière ce rideau, dans les coulisses, en sachant que la salle se remplit petit à petit ?

Alors il y a beaucoup de similitudes dans la méthode de préparation, dans la concentration, dans l'exigence que ça demande, dans le fait de recréer un rituel aussi sur les horaires, sur la répétition comme je le faisais en tant que sportif. Après je sens derrière ce rideau beaucoup plus de bienveillance que je l'avais avec mes adversaires en carrière, et donc c'est on va dire que c'est assez facile de monter sur scène et de sentir que la salle est là, avec nous pour passer un bon moment pour se laisser surprendre aussi, donc non il y a quelque chose de plus apaisé que sur un départ de coupe du monde.

De plus sain ? Ouais de plus sain aussi oui en tout cas qui me correspond mieux aujourd'hui.

4 ans après votre toute dernière course et dernière victoire en carrière, devant aucun public à Kontiolahti en Finlande, vous voilà à Colmar devant un public. Un sentiment particulier pour un drôle d’anniversaire ?

Je le disais, je suis parti très apaisé et j'ai clôturé ma carrière de manière très apaisée. Donc je regarde ça avec beaucoup de bienveillance et beaucoup de tendresse. Et oui, on se rend compte que quatre ans, le temps passe vite. Et c'était chouette de pouvoir être ici à Colmar ce soir pour fêter un petit peu cette date anniversaire, parce que j'en parle dans le spectacle mais c'est une date qui pour moi va au-delà de ma fin de carrière, c'est beaucoup de symboles ça me ramène aussi tout au début de ma carrière donc très heureux d'avoir pu jouer en ce 14 mars, qui est une date particulière dans ma carrière et en tout cas très heureux aussi à chaque fois de pouvoir me retourner et de profiter de cette journée là pour me remémorer des beaux souvenirs.

Une fin de carrière c'était il y a quatre ans, la page a été tournée, maintenant vous êtes on peut le dire quasiment comédien. Est-ce que vous avez eu des retours, des messages de la part de vos anciens concurrents, de vos anciens adversaires par rapport à cette nouvelle carrière qui s'offre à vous ?

Alors, j'ai eu beaucoup de curiosités mais malheureusement comme j'ai pas traduit le spectacle en anglais mes anciens concurrents sont pas venus le voir, mais j'ai des coéquipiers qui sont venus, j'ai des entraîneurs, j'ai des personnes de mon staff aussi donc oui c'est je crois aussi pour eux l'occasion de revivre ces moments qui ont été touchants, qui ont été marquants et qui font aussi partie de leur vie. C’est plutôt un chouette rapport avec les personnes que ça implique malgré eux dans ce spectacle.

Athlète de haut niveau, militaire, père de famille, auteur, comédien, ça fait beaucoup. Quelles sont les prochaines étapes de la vie de Martin Fourcade ?

Alors si vous le savez je suis preneur, je crois qu'il y a ce projet que j'ai envie de mener à son terme jusqu'à la fin du mois d'avril. Il y a ensuite les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris qui vont focaliser toute mon attention jusqu'au mois de septembre, et puis ensuite il sera temps de se poser quelques semaines pour pouvoir réfléchir sereinement à ce que j'ai envie de faire de la suite. Ce projet est né pendant le Covid, au premier jour du Covid, dans mon jardin en train de réfléchir à ce qu'allait bien pouvoir être la suite après 15 ans de carrière de haut niveau, alors que le monde était au bord de l'apocalypse à côté, donc je suis on va dire aujourd'hui plutôt serein sur la manière dont les temps de pause peuvent aussi aider à construire des projets, à nourrir des chouettes choses pour la suite. Il me tarde l'automne prochain pour pouvoir me projeter un petit peu plus sur la suite.

Pour ceux qui vous suivent un petit peu sur les réseaux sociaux, on vous voit beaucoup trouver les skis au pied, cette fois-ci un petit peu plus de randonnée. Comment vous faites pour avoir le temps d'enfiler les skis tout en étant sur scène un petit peu partout en France ?

Ça fait partie justement des points que j'ai assez rapidement identifiés, envie d'avoir des projets qui me tiennent à cœur et qui m'impliquent à 100%, tout en ayant du temps aussi à côté pour pouvoir profiter des choses que j'aime. J'ai fait 15 ans de carrière de haut niveau avec tout ce que ça comporte, aussi de choix parfois un peu contraignant et donc avoir une vie qui est beaucoup plus libre et de pouvoir profiter plus que je ne l'ai fait pendant ma carrière, fait partie de mes aspirations. Donc c'est à la fois, on va dire, un besoin et puis à la fois quelque chose qu'on se crée aussi parce qu'on n'était pas obligé d'aller courir avec avec Matthieu ce matin, et donc voilà on prend le temps et puis on se bloque aussi des moments dans une vie qu'on ne fait que remplir si on ne prend pas le temps de se poser. Donc je pense que ça fait partie aussi des choses qui sont importantes pour moi.

Matthieu Cruciani, une petite question quand même pour vous. Qu'est-ce que ça fait de recevoir un jour dans sa boîte mail un message de Martin Fourcade qui demande votre aide, de l'encadrer pour monter ce spectacle ?

Ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça. La scène fantasmatique, ce n'était pas tout à fait celle-ci. Quand on m'a proposé de rencontrer Martin, beaucoup de curiosité, et honnêtement, c'est ça qui est un des grands plaisirs de mon métier, de nos métiers, quand tu diriges un théâtre, c'est toutes les rencontres inopinées, étranges, que ça te permet. Et donc j'y suis allé avec beaucoup d'appétit et surtout en me disant « est-ce que tu vas être la bonne personne pour l'aider » en fait. Donc j'avais surtout de la curiosité de voir ce qu'il allait me raconter de ce projet, quelle personne j'allais rencontrer et puis d'y aller pour de bonnes raisons. Et quand je me suis dit oui, je vois un peu les contours de ce qu'il veut faire et je pense pouvoir lui être utile.
C'est une petite responsabilité quand même. Quand quelqu'un, normalement moi je suis simplement responsable de ce que je fais comme projet, là, se débrouiller pour qu'aujourd'hui, par exemple, Martin soit heureux du cheminement et de la rencontre qu'il y a chaque soir avec le public, je voulais être sûr de ça. Rapidement, quand on s'est rencontrés, je me suis dit on parle la même langue et ça va être simple.

Martin, de votre côté ?

Moi ce qui était rigolo dans cette genèse c'est que c'est aussi, vendre le mot n’est pas bon, mais moi je suis sur un projet sur lequel je travaille depuis 6 mois, donc je commence à comprendre les contours et essayer d'arriver à embarquer Matthieu dans mon petit délire, alors que, comme vous le disiez tout à l'heure, étant une personnalité, il a forcément une certaine image de moi, avec ce que ça comporte de vrai et de faux et de se demander comment on va arriver à se projeter. Donc ça c'était les premiers contacts pour moi. J'ai ce souvenir-là de beaucoup d'écoute pour essayer de comprendre mon projet et de voir comment il pourrait l'enrichir. Donc voilà, il y a beaucoup d'écoute au début, il y a beaucoup d'échange avant de rentrer en fait dans le vif du sujet, dans le travail. Finalement il y a plusieurs mois qui sont écoulés entre déjà le moment où on a pris contact et le moment où on s'est rencontré de manière physique, et puis ensuite entre le moment où j'ai commencé à aborder le pitch et puis le moment où on a retroussé les manches pour en faire quelque chose de concret.

Ce spectacle c'est du coup vous Martin qui l'avait écrit, Matthieu je crois que vous vous êtes occupé de tout ce qui est mise en scène et acting. Comment ça s'est créé, si ma mémoire est bonne, ça s'est passé à Grenoble pendant quelques semaines. Comment vous avez finalisé cette création de projet en partant d'une idée pour la rendre concrète ?

MC : Il y avait deux projets, l'écriture du spectacle et puis il y avait le travail avec Martin, sur qu'est-ce que c'est que jouer sur un plateau, donc j'ai fait un peu les deux en même temps en essayant de commencer vraiment du début, de trouver quelle était la meilleure expression scénique à donner, la plus claire. On s'est entouré de gens, lumière, création originale de la musique, scénographie et puis voilà j'ai travaillé chaque après-midi avec Martin, un peu aux deux choses et notamment je me souviens pas mal, c'est amusant mais une parole médiatique ça n'est pas une parole réelle. Même dans les intonations, en fait. Donc je me souviens qu'on a eu un petit boulot à faire là-dessus sur... « fais attention parce que ça fait un peu déclaration ». En fait, on parle toujours différemment selon les gens à qui on s'adresse, selon qu'on s'adresse à son père ou à son banquier. On n'a pas tout à fait les mêmes mots ni la même voix. On ne la place pas de la même manière. C'est inconscient, mais ça raconte beaucoup.
Donc voilà, on a mené ces deux choses-là de front, on l'a créé assez rapidement finalement et dans une grande fluidité. Il n'y a pas des moments où on est rentré le soir en se disant « aïe aïe aïe on n'y arrivera jamais ».

MF : Moi j'ai eu du mal, la première séquence de travail a été dense pour moi, déjà parce que j'avais le plus à apprendre avec une consigne qui avait été celle de ne pas apprendre le texte et donc du coup de ne pas pouvoir non plus m'affranchir de ce que j'avais à lire, et donc je crois que le retour sur scène à la rentrée où j'avais pu me saisir du texte, j'avais pu digérer les premières interventions, là je me suis dit oui on va ça va être un timing serré il va falloir pas se louper mais on va faire quelque chose de sympa. Là où sur la première semaine ça allait vraiment de haut en bas et où j'ai eu des moments où je me suis dit « dans quoi je me suis embarqué parce que c'est dur et parce que je ne suis pas sûr d'y arriver ». Je crois que c'est des doutes aussi qui sont légitimes quand on se lance sur un projet comme celui-là, où on sait qu'il y a plus de 20 000 personnes qui vont venir regarder et donc acheter un billet pour venir voir le spectacle et on n'a pas envie de les décevoir aussi. Au-delà de tout ce qui était important pour moi dans ce projet, en termes d'épanouissement, en termes de richesse, de découverte, etc. il y avait ce point-là qui était nourri tous les jours, mais il y avait aussi l'impératif de devoir plaire aux autres surtout. Et donc ça c'était une pression qui était assumée mais qui n'était pas facile à porter au début.

Vous l'avez dit, quasiment 20 000 personnes vont voir en totalité sur les différentes dates. Est-ce que vous vous attendiez au moment où vous avez eu cette idée de monter en spectacle, est-ce que vous attendiez un tel succès ?

Alors je vais peut-être paraître très prétentieux, mais sur la commercialisation j'étais assez serein pour plusieurs raisons. Tout d'abord celle de la rencontre avec les fans, de la curiosité aussi que pouvait appeler ce projet. Parce que même si je ne suis pas passionné de sport, que ça passe à côté de chez moi, moi je me dis que j'aurais en tout cas à titre personnel une appétence à avoir cet objet un petit peu hybride, donc sur la commercialisation j'étais on va dire assez serein. Ce qui évoquait en tout cas, ce qui n’était pas une crainte, mais qui était une vraie volonté chez moi, c'est que les gens ressortent satisfaits de ça parce que payer un billet pour rentrer dans une salle c'est facile, en ressortir heureux de la soirée qu'on a passée c'est parfois plus compliqué. Donc ça c'est la plus grande réussite pour moi, de ce projet, c'est les retours qui me sont faits. Je ne m'attendais pas à ça. J'ai eu une personne la semaine passée qui m'a dit « je m'attendais à vous dire, c'est bien pour un sportif ou c'est plutôt très bien pour un sportif et j'ai enlevé le pour un sportif ». C'est des petits témoignages comme ça qui font chaud au cœur, parce qu'on s'est impliqué dans ce projet, on a beaucoup travaillé. Parfois, contre vents et marrées, le mot est fort mais il fallait trouver des personnes qui croient aussi fort que moi dans ce projet, que ce soit de la production à la mise en scène. C'était un projet qui n'était pas facile à expliquer parce qu'il n'y a pas trop d'équivalent, en tout cas on n'en a pas trouvé en travaillant sur ce projet là, et qu'il fallait justement arriver à lier aussi deux univers qui sont souvent opposés et que je crois qu'on a réussi à bien mélanger sur Hors-Piste.

Hors-Piste, un spectacle qu'on pourrait qualifier de documentaire, beaucoup de personnes font maintenant des documentaires sur eux, sur leur vie ou sur leur carrière passée qu'on peut retrouver sur différentes plateformes de streaming, de documentaires vidéo, ça ne vous a pas intéressé ?

Non, ça ne m'a pas intéressé parce qu'il y avait ce besoin d'humain. Vous avez parlé d'une fin de carrière à 8 clos pendant le Covid, avec 6 courses à 8 clos qui ont été assez étranges pour clôturer une carrière. Et donc, la raison d'être de ce projet, c'était de retrouver quelque chose d'humain. On sortait de deux années de Covid où on est passé de l'humain au virtuel donc non, tout ce qui était digital n'était pas du tout quelque chose qui m'attirait, et c'est en ça que le spectacle vivant et que le théâtre m'a appelé. Il y avait ce partage, il y avait cette relation entre celui qui raconte et qui écoute, qui est réel et de pouvoir être concret, être vrai. C'était quelque chose qui était primordial pour moi.

Une dernière question qui tend un petit peu plus vers le personnel. Une carrière de sportif, il y a énormément d'exigences alimentaires en fin de carrière. Comment ça se passe ? Est-ce qu'on garde cette rigueur ou est-ce qu'il y aura une forme de soulagement parce qu'on peut enfin se lâcher sur tout ce dont on s'est privé un jour ?

Je crois qu'il y a avant tout une écoute du corps qui reste présente parce que quand on prend soin de son corps comme son outil de travail pendant 15 ans, ce n’est pas pour en faire n'importe quoi sur les 10 années qui suivent. Ensuite oui, forcément, il y a beaucoup plus de latitude, de liberté, et je m'autorise des choses que je ne me serais jamais autorisé en tant qu'athlète. Mais voilà avec aussi une attention pour ce qui est bon pour moi et aussi pour un peu pour ce qui m'entoure. Donc non il n'y a pas de changement radical dans ma manière de consommer ou de me nourrir. Après oui il y a beaucoup plus de liberté aussi parce que les contraintes se sont, elles, envolées donc on est forcément moins extrémiste dans les choix qu'on peut faire et parfois ça a aussi du bon.

 

Propos recueillis par Thibaut KEMPF (AZUR FM) / © Crédits photo : TK