
25 septembre 2024
"Je fais confiance aux alsaciens, vous avez l'opportunité d'aider les jeunes en détresse avec votre générosité", déclare Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d'Alsace (CeA). Face à une situation des plus préoccupantes au sujet de la protection de l'enfance, la CeA tire la sonnette d'alarme et en appelle au bénévolat des citoyens. En Alsace, ce sont plus de 5000 enfants qui sont pris en charge par la protection de l'enfance, or 400 mesures de placement sont en attente fautes de places disponibles. "C'est un enjeu de société de se mobiliser pour la vie digne des enfants amenés à quitter le nid familial", ajoute le président.
En ce mercredi 25 septembre, la Confédération des Acteurs de la Protection de l'Enfance (CNAPE) a appelé à une marche à Paris. L'objectif, alerter sur la situation de la protection de l'enfance en France. La manifestation réunira des professionnels du secteur, notamment une délégation alsacienne de l'Arsea. "On s'associe évidemment à cette marche", exprime Frédéric Bierry en début de conférence ce mardi 24 septembre, au foyer de l'enfance à Strasbourg. Dès le début, le président donne le ton, la situation est très préocuppante et se dégrade depuis 2019. "Près de 80% des enfants placés font suite à une décision judiciaire, le reste c'est administratif", explique ce dernier en ajoutant que l'objectif est de faire des placements administratifs la principale raison.
Il l'affirme, la CeA n'est pas en mesure d'agir seule face aux problèmes qui se multiplient : manque de places, manque d'éducateurs, manque d'assistants familiaux ou encore manque de tiers de confiance, face à une demande qui ne cesse de grandir. "Le nombre d'assistants familiaux baisse, il y a une forme d'épuisement et une perte d'attractivité, on fait face à un enjeu de valorisation", déclare le président. Depuis 2021, l'Alsace a perdu 93 assistants familiaux, pour près de 160 places.
Un système qui arrive à "saturation" face à un désengagement de l'Etat
Frédéric Bierry insiste, la Collectivité continue de créer des places et des centres d'accompagnement mais l'Etat doit prendre ses responsabilités. La CeA pointe le désengagement progressif de l'Etat sur certaines de ses missions : exclusion scolaire, fermeture de places dans le médico-social, effondrement de la pédopsychiatrie ou encore la question des jeunes souffrant de handicap ou de troubles psychiques qui "devraient relever du médical et qui se retrouvent chez nous". En avril, une commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance avait été lancée mais close deux mois plus tard après la dissolution de l'Assemblée nationale. Maintenant que le nouveau gouvernement est nommé, la CeA rappelle à l'Etat ses responsabilités en avançant plusieurs propositions, comme l'allègement des cotisations sociales pour les familles d'accueil ou les éducateurs spécialisés.
Egalement président des affaires sociales au sein des Départements de France, Frédéric Bierry continue d'apporter de nouvelles propositions comme le fait de systématiser les titres de séjour pour les jeunes mineurs étrangers non accompagnés en apprentissage. Dans un contexte de hausse du nombre de Mineurs Non Accompagnés (MNA) pris en charge, plus de 30% en un an, la collectivité souhaite que l'Etat aille au bout de la logique du parcours d'insertion. Le président de la CeA a également évoqué son souhait de rendre l'adoption possible, simple au minimum, pour les familles tissant de véritables liens et lorsque l'enfant se sent aimé.
La CeA rappelle qu'elle fait de la protection de l'enfance une de ses priorités en ayant mis à disposition un budget de 60 millions d'euros depuis sa création. Cet investissement aura notamment permis la création de 297 places et mesures de protection depuis 2021.
Plusieurs dispositifs possibles
Frédéric Bierry lance un véritable appel à la population alsacienne et en appelle au bénévolat en lançant une campagne de recrutement, notamment de tiers bénévoles administratifs. Grâce à la loi Taquet de 2022, il est possible de devenir tiers bénévoles et d'accueillir, chez soi, un jeune présentant un profil moins complexe que ceux nécessitant un placement en établissement, avec une aide allant de 490 à 610 euros. L'Alsace compte actuellement 450 tiers bénévoles, l'objectif étant d'en avoir au minimum 100 de plus. En cas de candidature, la CeA a mandaté l'association SOS France Victime qui se chargera de sélectionner les candidats et de les accompagner par la suite.
Le parrainage est également une possibilité pour les personnes n'ayant pas tout leur temps à offrir, l'idée est de se prendre quelques heures dans sa semaine ou son week-end pour proposer des sorties et des activités. Le président pointe aussi un manque en termes de portage d'enfant, un moment précieux dont tous les enfants devraient bénéficier au minimum 20 minutes par jour. Il est possible d'y contribuer bénévolement, via l'association "Les Blouses Roses", en donnant de son temps et de sa bonne humeur avec les tout-petits, les enfants mais aussi les adolescents.
"Quand on peut donner du bonheur à nos gamins, je pense qu'il ne faut pas s'en priver"
Frédéric Bierry insiste, l'objectif principal pour le bien-être des enfants est le retour à la maison, mais seulement quand cela est possible. "Il y a une tendance à ne plus créer de place pour laisser les enfants dans leur famille mais ce n'est pas une solution, parfois le placement est indispensable", explique ce dernier.
Malgré cette situation inquiétante, la collectivité multiplie les actions. Un conseil des jeunes confiés a été créé ainsi qu'un conseil des familles qui débutera en octobre prochain pour permettre un réel travail avec les parents. Des places supplémentaires ont également été ajoutées, à Obernai au mois d'octobre, à Schirmeck au mois de février dernier ou encore à Mulhouse. D'ici le mois d'avril 2025, une Maison des assistants familiaux devrait voir le jour dans la vallée de la Bruche. Concernant le foyer de l'Enfance de Strasbourg, 27 millions d'euros vont être investis pour une meilleure prise en charge des mineurs.
Propos recueillis par Anaïs Follenius (AZUR FM) / © Crédit photo : Libre de droit